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(INTERVIEW) Rock (and Roll) Isn’t Only Rock and Roll – La vague parallele

Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas d’un disque qu’on parle aujourd’hui mais d’un film : d’un documentaire, plus précisément. Pas de « Chasse et Pêche » au programme, non non, mais une jolie claque sur ce qu’est le rock aujourd’hui : Rock and Roll isn’t only Rock and Roll. Produit par Didier Gesquière (journaliste et comédien) et réalisé par Céline Charlier (cinéaste), ce documentaire d’une heure laisse la parole à plusieurs dizaines de personnes sur ce qu’est le rock and roll : à des musiciens-phares de la scène rock (Arno, Bertignac, Daan, Romano Nervoso, Mademoiselle K,..), à d’autres auxquels on ne s’attendait pas (Plastic Bertrand, Christophe Willem,..) mais aussi à des fans de musique, à des organisateurs de concerts et à plusieurs personnes à priori assez éloignées du rock tel qu’on le connait (François de Brigode,..). Parce que ce que ce film montre, c’est justement que le rock and roll, c’est loin d’être simplement de la musique. C’est un état d’esprit, une façon de penser, une façon de justement se permettre de penser de la manière dont on le veut. Et il faut dire que cette liberté revendiquée se ressent dans la réalisation du film. En plus des images d’interviews traditionnelles, on retrouve pas mal de plans plus subjectifs, qui semblent être tournés à l’arrache. Entre anecdotes et points de vue purement subjectifs (donc à mille lieux des documentaires factuels qui existent déjà sur le sujet), ce film est du genre à nous filer un bon coup de pied au cul qui nous fait remettre en question pas mal de choses sur la façon dont on vit. Envie d’aller voir ça ? La Première de Rock and Roll isn’t Only Rock and Roll aura lieu le 30 avril au Cinéma Aventure à Bruxelles. Et cerise sur le gâteau, la projection sera suivie par un showcase de l’incroyable chanteuse folk Colline Hill ! On s’y voit ? Plus d’infos ICI et réservation via celine.charlier@hotmail.be

Interview

Vous avez probablement compris qu’on avait été plus que charmés par le film, on a donc décidé de poser quelques questions aux 2 personnes qui en sont à l’origine : Didier Gesquière et Céline Charlier !

LVP : Bonjour ! Premièrement, félicitations pour le film, que j’ai personnellement beaucoup aimé. Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, pourriez-vous le présenter en quelques mots ?

Didier Gesquière : C’est un film dont le titre, « Rock and Roll isn’t only Rock and Roll », dit déjà beaucoup. Généralement quand on parle de rock on pense à la musique mais nous, ce qu’on avait envie de faire, c’était de partir de la musique pour parler de plein d’autres choses qui sont en rapport, de tout ce qui se décline autour du rock. Donc on va dire que c’est un film qui parle de musique, avec des gens qui parle de rock, mais qui parlent aussi de vie, d’attitude,.. Ça mélange aussi ce que Céline et moi on sait faire : elle est cinéaste et moi je suis un peu journaliste. Il y a deux « générations » différentes qui sont mises ensemble pour faire un film. Je pense d’ailleurs que ça se ressent parce qu’il y a à la fois un côté interview où Céline filme assez joliment les têtes des personnes qui parlent, elle les met en valeur, et à d’autres moments il y a un côté complètement cinéma documentaire à l’arrache quand on suit David Fox qui est le batteur du groupe Vegas et qui est notre fil conducteur. Donc c’est un film qui mélange du cinéma documentaire du réel puisqu’on est dans sa vie et un côté plus journalistique. Céline : … Mais qui se regarde comme une fiction. Parce quand on dit documentaire, ça peut parfois sembler un peu péjoratif pour les gens qui n’aiment pas les docus. Ce film n’en est pas vraiment un dans le sens où ça sonne un peu « sur les oiseaux, les animaux »,.. Didier Gesquière : Oui c’est ça. C’est un documentaire dans le sens où les gens montrés n’interprètent pas des personnages, mais les spectateurs le regardent comme une histoire, en tous cas ça a été pensé comme ça. Il y a déjà des films géniaux qui ont été faits sur l’histoire de cette musique et nous, on voulait éviter cet aspect « Spécialistes qui parlent du rock » pour que le film dépasse largement le cadre des connaissances. Bien sûr qu’il y a une racine musicale, bien sûr que certains parlent d’Elvis, d’autres du blues, mais c’est juste un prétexte pour raconter comme le rock est rentré dans leur vie, comment ça a peut-être influencé ou changé leur existence.

LVP : Et d’où vient l’idée de faire ce film ?

Didier Gesquière : Céline et moi avions déjà collaboré ensemble lors de 2 de ses court-métrages, Hold Up et Franck & Dean, et on savait qu’on avait envie de retravailler ensemble,.. D’autre part, j’ai toujours dit « S’il y a un truc dans ma vie que j’ai envie de faire, c’est parler du rock », donc l’idée du film est venue assez naturellement, mais je ne sais plus comment elle s’est mise sur la table à un moment donné.

Céline : Tu as toujours parlé de faire quelque chose comme ça et un jour on a vu l’affiche des

Francos et on est partis (ndlr : les premières images du film ont été tournées lors des Francofolies de Spa 2010).

Didier Gesquière : Il y avait aussi eu une superbe exposition au Palais des Beaux Arts à Bruxelles en 2008 qui s’appelait « It’s not only rock and roll, Baby » et plein de choses m’avait parlé. Par exemple un mur de photos qui avait été réalisé par un groupe new-yorkais (ndlr : après quelques recherches, c’était probablement The Kills) qui avait été suivi en tournée. Ils avaient pris des polaroids et avaient fait un énorme mur de photos pour résumer leur vie on tour. Mais cette vie en tournée, c’était à la fois la scène, les coulisses, mais aussi des photos avec leur famille qu’ils emmenaient avec eux, donc ça donnait des trucs dans des hôtels, des moments où ils allaient faire les courses, une des femmes qui allaitait son bébé,… Donc je trouvais ça assez fun de me dire qu’il n’y avait même pas de musique, on pouvait simplement regarder ce mur pour voir ce que c’est le rock. Et c’est vers quelque chose comme ça que j’ai voulu aller. Non seulement dépasser le cadre musical mais aussi donner la saveur de tout ce que je peux penser du rock.

LVP Dans la note d’intention du film, vous dites « L’idée que la musique puisse changer le destin d’une personne me plait ». Elle a changé la vôtre ?

Didier Gesquière : Certainement. Dans des moments de tristesse ou de doute par exemple, cette musique et l’écoute de certains artistes me permettaient de dépasser le cadre un peu bête de la tristesse, de la nostalgie et tout ça. Et dans des moments compliqués, il y avait quelque chose qui me donnait une envie permanente de dépasser le cadre d’un truc pré-établi et ça a sans doute changé ma vie dans ma manière de dire « Bon ben je vais faire les choses à ma manière. Je vais pas spécialement suivre un chemin ou adhérer à des idées ou à des courants que je n’aime pas, je vais juste tenter d’être moi-même ». Déjà parce que je ne sais pas faire autrement mais aussi parce que si je devais aller dans un sens qui ne me convainc pas, alors c’est un problème de probité intellectuelle et je trouve ça terrible. Et ce que je ressens chez tous les gens qui selon moi « vivent rock », c’est pas uniquement la veste en cuir et les pochettes des disques, ce que je constate chez eux, c’est une énorme disponibilité, une certaine solidarité et un besoin d’être soi-même, de ne pas se conformer à ce qu’on attend de toi. Parce que ça, tu ne peux le donner que pour faire plaisir mais si c’est pas toi profondément, oui tu vas faire plaisir mais tu ne peux pas toute ta vie faire des choses pour plaire aux gens, il faut faire des trucs pour toi aussi.

LVP : Et aujourd’hui, musicalement, le rock en est où selon vous ?

Didier Gesquière : J’ai jamais été déçu des courants musicaux et des époques. J’ai toujours trouvé dedans des choses qui me parlaient. Quand je lis des articles où on dit « Les années 2000 ont été à chier », je ne trouve pas que ça soit vrai, je trouve de bonnes choses partout. On avait filmé une fois le groupe Sons of Disaster qui fait du speed rock avec des pogos et tout ça, et j’ai trouvé un plaisir immense à les suivre. Mais je peux aussi parler de Radiohead vers 1990/2000 où tout le monde disait « Soit le rock est mort soit ça a jamais été aussi à chier » et bien je ne trouve pas. Dans le documentaire il y a quelques images du groupe Black Box Revelation. On était allés à l’AB les filmer et pendant ce concert on s’est dit « Waw, on sait pourquoi on fait ce film », ça nous portait. Sinon, regarde Giocomo Panarisi, le chanteur de Romano Nervoso. Quand je vois qu’il reprend Aline de Christophe, que ça s’est transformé en Maria et qu’il est habillé façon glamrock pour la chanter : ça me parle. Le hit qu’il a fait il y a deux ans, ça me parle aussi. Puggy aussi. Quand j’en parle avec certains, ils me disent « Ouais Puggy c’est mainstream, c’est du rock FM », eh ben c’est pas grave. Moi ça me parle. Cette période me touche vraiment de par sa diversité.

LVP : Dans le film il y a énormément d’intervenants : Arno, Daan, Bertignac, Romano

Nervoso, mais aussi plein de gens qu’on ne s’attendait pas à voir dans un documentaire sur le rock comme Plastic Bertrand, Christophe Willem, François de Brigode,… Comment avez-vous choisi les personnes que vous avez interviewé ?

Didier Gesquière : Comme je l’ai dit plus tôt, ça ne m’intéressait pas de faire un film de spécialistes. Par exemple, Marc Ysaye est extrêmement calé, c’est une vraie Bible du Rock and Roll, il peut en raconter toute l’histoire. Mais je ne voyais pas trop l’intérêt pour le film d’écouter ces personnes là. Le rock n’appartient ni aux rockeurs ni aux experts, donc ça m’intéressait plus d’en discuter avec des gens qui n’étaient pas immédiatement identifiés comme étant rock and roll. Par exemple François de Brigode qui l’a pourtant été dans sa vie d’étudiant et qui l’est toujours dans ses choix d’homme aujourd’hui. Ça m’intéressait de l’entendre parler de la façon dont le rock est entré dans sa vie. Christophe Willem, il aborde plutôt l’attitude un peu je-m’en-foutiste, un peu anti-système et ça me parle assez bien parce qu’un expert du rock dirait « Oh non je préfère parler de la musique », mais lui, le définit totalement différemment par rapport à une personne experte ou totalement rock. Autre exemple, Mademoiselle 19. C’est hyper intéressant de voir une jeune fille comme elle qui rebondit sur l’avis de l’artiste flamand Johan Verminnen « Le rock est devenu mainstream, il a perdu de sa valeur de révolte » tandis que Juliette (Mademoiselle 19) répond que « Pour moi, être rock and roll, c’est quelqu’un qui fait les choses un peu librement » donc tu vois, on arrive à quelque chose comme ça, qui dépasse largement le cadre d’une musique et l’expression « Être rock and roll », on l’utilise par exemple pour dire « Wahou, la façon dont on a fait tel truc était rock and roll ». Je n’avais jamais vu, à vrai dire, de documentaire qui dépiaute de mot Rock and roll en posant les mêmes questions à des personnes totalement différentes. Ce qui nous intéresse, ce sont les nuances entre ce que disent les personnes. Par exemple entre ce que dit Romano Nervoso « Si tu m’emmerdes je te pète la gueule » et ce que dit Daan : « Moi quand je vais dans la nature, il y a des arbres qui sont très rock and roll ».

LVP : La rencontre la plus intéressante dans le cadre de ce film, c’était la quelle ?

Didier Gesquière : (Longue hésitation) … Une rencontre qui m’a énormément touché parce qu’il a dit ce que je pensais sans réellement savoir mettre des mots dessus, c’est Giacomo de Romano Nervoso. Ce mec est totalement libre et en même temps, pour l’avoir côtoyé, on retrouve chez lui cette générosité, cette solidarité dont je parlais tout à l’heure. Il y a Daan aussi. L’homme qu’il est, la façon dont il perçoit son métier, comment il le fait, comment il parvient à être à la fois dance, à la fois un peu techno, à la fois chanson française, et à la fois artiste culte de la scène rock,.. Je dirais que ces deux-là m’ont beaucoup touché même s’ils sont opposés.

LVP : Et vous, vous n’avez jamais voulu faire du rock ?

Didier Gesquière : Ah.. Je suis une rock star frustrée. Je n’ai jamais réussi à tenir un instrument de ma vie. Moi je suis comédien, je joue au théâtre et beaucoup au cinéma, C’est sans doute plus rock and roll de jouer au théâtre qu’au cinéma puisqu’il y a un réel échange avec le public mais je pense qu’aucun comédien ne peut savoir ce que c’est que d’être sur une scène et de ressentir l’énergie que te donne un public pendant un concert. C’est sans doute parce que ce public-là est beaucoup moins réflectif. On ne réfléchit pas à la manière dont on va recevoir un riff de guitare. Quand je suis allé filmer des concerts pour le documentaire, je me suis placé sur le côté et derrière la scène et j’ai senti des choses incroyables qui arrivaient du public. J’ai joué beaucoup de pièces de théâtre, mais je n’ai jamais vu les gens se lâchant ainsi physiquement. Parce que le théâtre reste un peu bourgeois et aussi parce que ce qu’on reçoit, ça passe par la tête puis par les tripes. Tandis qu’en concert, ça va directement vers les tripes. Je dis pas que c’est mieux ou moins bien, je dis simplement qu’on ne peut pas ressentir ce qu’un musicien ressent. Et regarde Mick Jagger. Après 5 décennies sur scène, il n’a pas l’air de s’ennuyer. Moi au théâtre je m’emmerdais. Et un truc que j’ai découvert en suivant des musiciens pendant le tournage, c’est que quand ils sont sur scène, ils se regardent réellement. Tandis que les comédiens font souvent semblant de se regarder, c’est dans la mise en scène, c’est un peu fabriqué. J’ai vu Miossec au Théâtre 140 il y a quelques mois et j’ai vraiment ressenti un véritable échange entre les musiciens, échange que moi en tous cas, je n’ai jamais ressenti au théâtre. Donc oui, je suis une rock star frustrée. Complètement.

LVP : Et pour vous, l’album le plus rock and roll, c’est quoi ?

Celui d’un groupe allemand qui s’appelle Einstürzende Neubauten (avec un des musiciens de Nick Cave and the Bad Seeds). Ces mecs, dans les années 70 ou 80, ils faisaient du rock

industriel, ils tronçonnaient du métal sur scène et tout, ils étaient vraiment déchainés. Et il y a 10 ans, ils ont fait un album et une chanson qui s’appellent Silence is Sexy. Le grand écart entre les deux, le fait de dire à un moment que le silence est sexy et la manière dont c’est chanté.. Ça c’est du rock total. Parce qu’ils sont en adéquation totale avec une époque, mais ils disent aussi à un moment donné « On a fait beaucoup de bruit, mais le silence a quelque chose de sexy« . Et le rock de manière générale a quelque chose de très sexy, Mademoiselle K le dit d’ailleurs dans le documentaire. Sinon Nick Cave aussi. Même pas besoin d’un riff de guitare terrible pour se rendre compte qu’il y a quelque chose d’éminent rock dans sa façon de faire de la musique et de traverser le temps.. De rester jeune.

LVP : La suite pour le documentaire c’est quoi ?

Didier Gesquière : Il est diffusé le 30 au Cinéma Aventure, il y aura quelques dates dans le cadre des fêtes de la musique à Gerpinnes, Couvin,… En septembre on fera pas mal de centres culturels et de cinémas et puis on va voir pour des distributions en télé et là, on est partis pour deux ans je pense.

LVP : Parfait, merci beaucoup. Et on se voit le 30 avril !

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